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Les mots d'Hélène
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2 août 2011

Renaissance

Texte inspiré par la petite église de Ménard la Barrotière - De la pure fiction !

 

Il est arrivé dans le froid d’un petit matin. Le sentier craquait sous ses pas lourds et le haut bourdon qu’il agrippait de ses doigts gourds s’enfonçait dans la glaise. Ainsi est-il arrivé dans le froid d’un petit matin.

 

Au métayer du Grand Logis qui, si tôt, d’un balai de genêt nettoyait les écuries, il a demandé du pain. N’a pas voulu entrer dans la salle où un feu ardent flambait déjà dans l’âtre, pour manger le quignon graissé de lard qu’on lui offrait. Au métayer du Grand Logis il a dit bénédiction et poursuivi son chemin.

 

Il a évité le château. Il a traversé le village sans dire mot. Tous l’ont observé, inquiets, mais ni le maréchal-ferrant qui fait jaillir des étincelles aux sabots des chevaux, ni le boulanger qui retire de lourdes miches craquelantes de son four, ni même le chapelain revenant de sonner matines, non, personne ne l’a reconnu.

 

Ses pas l’ont mené à l’église. Il a poussé la lourde porte. Posé son havresac, ôté ses godillots, détaché la grossière cape brune de ses épaules, et entassé soigneusement tout cela sur le dernier banc. Puis il s’est agenouillé dans la nef, juste sous l’étoile de pierre dans la voûte de granit, ne sachant même pas si Dieu lui-même l’avait reconnu.

 

Dans son pourpoint violet, usé, il a belle allure pourtant ce vagabond, agenouillé dans la nef, il s’est abîmé dans une profonde méditation. On est en carême. La croix du Christ de Douleur est drapée de violet, d’un drap plus riche que son pourpoint usé. Aujourd’hui c’est lui le pauvre, lui arrivé dans le froid d’un petit matin.

 

Il a rendu grâces pour son retour. Dans son esprit enfiévré, il entend encore les cavalcades des chevaux et le bruit métallique des armures, il voit les épées ensanglantées, les agonisants hurlant leurs dernières douleurs, et il se revoit, lui,  près de Messire Louis, le neuvième du nom, frappant à grands coups les infidèles, avec le courage d’un lion. Mais maintenant il rend grâces pour son retour.

 

Qui est ce vagabond ? se demande-t-on de porte en porte. Qui est cet inconnu ? Nul n’a osé après lui pousser la porte de l’église. Et nul n’a reconnu celui qui les regardait de si haut autrefois, se pavanant comme les paons de sa volière.

 

La vieille Delphine a bien murmuré « Il ressemble au Seigneur Barotteau parti en croisade il y a bien des lunes». Mais la vieille Delphine radote et personne ne l’écoute plus depuis bien longtemps. Une seule question les préoccupe. Mais qui est donc ce vagabond ?

 

Oui, la vieille Delphine radote, car cet homme-là, n’est plus le chevalier parti si fier à la croisade sur son destrier caracolant. Car cet homme-là, il vient juste de renaître.

 

 

 

 

     

 

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